Un de mes amis, pourtant pas trop bête, a pris son air autoritaire, comme s’il parlait de délinquance juvénile, et asséné : « D’accord, situation injuste, mais on ne jette pas des pierres. »
Je dois dire que j’ai du mal à
rester calme dans des situations comme celles-là. Je prends sur moi, sinon j’ai
droit au sempiternel : « Tu
dessers cette cause en t’énervant ».
Bref, j’ai pris sur moi et juste
demandé : « Tu fais quoi, toi,
pour protéger les enfants palestiniens de l’armée israélienne d’occupation ? »
Air un peu ébahi. Ah oui,
occupation. Répète après moi : « o-ccu-pa-tion ».
Eh oui, ils résistent. « Ré-sistent ».
C’est vrai que je vis dans une
région où le mot « résistance »
a été pour le moins galvaudé ces derniers temps. Galvaudé, c’est même gentil.
Je dirais plutôt usurpé. Allez, je dirais même spolié. Précisément par ceux qui
soutiennent l’Occupant Interminable. Quelle ironie.
Dans cette histoire, qui pourtant
occupe la conscience collective depuis des lustres, l’évidence ne saute pas aux
yeux. Qu’un occupé, privé d’armée, ait le droit de résister, par tous moyens,
même des pierres dis-donc, çà ne saute pas aux yeux.
C’est vrai que l’Occupant peut
compter sur une ribambelle de journalistes serviles, de politiques faiblards,
de communicants déloyaux, qui ont, il faut le dire, réussi auprès de certains (certains
seulement), une improbable opération d’inversion.
Derrière cette opération d’inversion
des valeurs, tous les moyens sont bons dans le pays de Charlie: pressions
professionnelles, culpabilisation historique, instrumentalisation judiciaire,
et une violence politique inouïe contre ceux qui osent rappeler l’évidence.
Alors, rappelons l’évidence, à
nouveau, même si on est usé et écoeuré de devoir encore le faire, après
tant d’années, après tant de milliers de pages écrites sur le sujet, après tant
de films, d’expositions. Après tant d’innocents massacrés.
Les enfants qui jettent des
pierres sont chez eux.
Çà c’est une évidence, et c’est aussi le Droit, çà tombe bien. Pas le droit à sa sauce dont l’Occupant Interminable se prévaut. Mais le Droit des Nations-Unies, dont on est bien d’accord qu’elles ne servent pas à grand-chose ici, mais au moins elles disent le Droit.
Çà c’est une évidence, et c’est aussi le Droit, çà tombe bien. Pas le droit à sa sauce dont l’Occupant Interminable se prévaut. Mais le Droit des Nations-Unies, dont on est bien d’accord qu’elles ne servent pas à grand-chose ici, mais au moins elles disent le Droit.
Donc, les enfants qui jettent des
pierres sont chez eux.
Les soldats, eux, ne sont pas
chez eux.
Ils occupent. Evidence aussi, et çà tombe bien, le Droit dit pareil: ils occupent. Il ajoute même: illégalement.
Ils occupent. Evidence aussi, et çà tombe bien, le Droit dit pareil: ils occupent. Il ajoute même: illégalement.
Donc les enfants qui jettent des
pierres sont occupés. Et les soldats sont des soldats d’occupation.
Pourquoi sont-ils là, ces soldats ? Pour
la sécurité des civils transférés par la puissance occupante en territoire
occupé ? Oui, pour leur sécurité, quand ils volent la terre, les oliviers, les
maisons, les orangers, l’eau, la vie, l'espoir (des occupés).
La sécurité des criminels, c’est essentiel, vous voyez. Les criminels doivent pouvoir commettre leurs crimes en toute sécurité.
La sécurité des criminels, c’est essentiel, vous voyez. Les criminels doivent pouvoir commettre leurs crimes en toute sécurité.
Je dis "criminels", parce que c'est le droit aussi: le transfert de la population de la puissance occupante en territoire occupé est un crime de guerre. On appelle çà colonisation, ou implantation, ou je ne sais quoi encore. Bref, c'est un crime de guerre. Même en droit français.
Je n'en ai pas fini avec les évidences, qu'il faut donc même rappeler à des gens qui ne sont pas bêtes, pourtant.
L’occupation, ce n’est pas le progrès, ce n’est pas la modernité, ce n’est pas la justice.
L’occupation, c’est cruel, vil,
violent, injuste, laid. Les résistants de pacotille de ma région s’en
souviennent-ils ?
Les "occupants civils", çà s’appellent
des colons. En droit international, on dit plutôt : population de la
puissance occupante. Les journalistes, ils disaient colons juifs, puis colons
tout court, maintenant ils disent israéliens. On s’en fout, c’est pareil. Ce qui
compte, c’est où ils sont. Ils sont dans les Territoires Palestiniens Occupés. Donc ils sont des occupants. Simple comme bonjour.
Bon, bref : les enfants sont
occupés; les soldats sont des occupants; les civils transférés en territoire occupé sont des occupants. "Civils", d'ailleurs, c'est vite dit, vu leur arsenal.
Les palestiniens sont occupés. C'est la vérité. Et elle n'est pas discutable.
Ou alors, il faudrait aussi discuter de la couleur du ciel, çà donnerait:
"Le ciel est bleu."
"Non, il est jaune fluo avec des pois verts."
"Ben non, il est bleu"
"Vous êtes trop radicale, vous. Un peu haineuse aussi, non ?"
Les palestiniens sont occupés. C'est la vérité. Et elle n'est pas discutable.
Ou alors, il faudrait aussi discuter de la couleur du ciel, çà donnerait:
"Le ciel est bleu."
"Non, il est jaune fluo avec des pois verts."
"Ben non, il est bleu"
"Vous êtes trop radicale, vous. Un peu haineuse aussi, non ?"
Les occupés n’ont pas d’armée
pour les défendre.
Car il n’y a pas d’Etat souverain
qui les représente.
Et d’ailleurs, l’Occupant a déjà
dit que même s’il y avait un Etat (ce qu’il refuse, comme nos résistants de
pacotille, qui se sont vantés d'avoir voté contre sa reconnaissance à l’Assemblée Nationale),
eh bien, cet Etat n’aurait pas droit à une armée.
Donc, pas d’armée pour défendre ces
enfants, et défendre leur pays contre l’agression extérieure de l’Occupant.
Pas d’armée.
Ni de Casques Bleus.
Ni d’Américains.
Ni de philosophe français (au contraire, lui, il
défend l’Occupant, cherchez l’erreur).
Ne parlons même pas des monarchies du Golfe de la Honte.
Personne, donc. Personne.
Et il y a notre faible et
dérisoire plume, la plume de ceux qui savent et qui n’oublient pas, et qui
sont, oui, parfois énervés, de devoir rappeler l’évidence comme un refrain sans
fin. Tout est à recommencer, toujours.
Des enfants occupés qui n’ont
jamais connu autre chose que l’occupation. Leurs parents aussi d’ailleurs.
Leurs grands-parents aussi d’ailleurs. Jamais connu rien d’autre que l’occupation
militaire, l’occupation civile, la brutalité, l’injustice.
Des enfants visés,
car si on veut détruire un peuple, on s’en prend à son innocence.
C'est ce qu'a dit un Ministre de l'Occupation: ces enfants sont des serpents. Serpents. Ce sont ses termes. On applaudit, ce sont nos amis, les occupants.
Et il faudrait taper sur les
doigts de ces enfants: « C’est pas bien de
jeter des pierres ». Pas bien.
Mais tu fais quoi, toi,
l'ami pas trop bête pourtant, pour les protéger ? Pour ne pas qu’ils soient enlevés et
emprisonnés s’ils résistent ? Pour ne pas que leur père ou leur mère
soient tués s’ils ne veulent pas laisser leurs maisons et leurs oliviers aux
colons ?
Toi, qui ne supportes pas qu'on égratigne ta voiture ?
Que doit-on leur dire ? Que
leur pays est perdu, qu’ils doivent se résoudre à vivre comme l’a décidé l’Occupant,
qu’ils doivent accepter le Mur Lugubre qui coupe en deux leur cour d’école ?
Ces enfants, qui
jettent de simples pierres sur le casque lourd des soldats de l’Occupation,
encourent désormais 15 ans de prison s’ils sont pris. Et la perpétuité si leurs
parents ne peuvent pas payer d’impossibles amendes.
Oui, tu as bien lu, l’ami pas
trop bête. Donc, maintenant, avant de donner des leçons de discipline, trouve
des solutions. Ou au moins, tais-toi. Tais-toi, de Grâce.
J’ai plein de vidéos où on voit
comment l’Occupant massacre l’innocence de l’enfance.
Mais je ne veux pas que tu aies
des cauchemars, car tu aimes les enfants.
Alors lis juste ces extraits très
softs du très soft Unicef.
Et penses-y quand les résistants
de pacotille proposeront (très bientôt, tu verras) de renforcer les liens économiques
et culturels avec l’Occupant. Penses-y bien fort.
Extraits du Rapport 2013 de l’UNICEF :
"Les enfants palestiniens détenus par
l’armée israélienne sont systématiquement victimes de traitements cruels et
inhumains".
"Les enfants ont les yeux bandés, les
mains serrées par des liens en plastique, sont victimes d’agressions physiques
et verbales durant leur transfert vers les lieux où ils sont interrogés. La
plupart du temps, ils sont pourtant arrêtés pour de simples jets de
pierres."
"Chaque année, 700 enfants ou adolescents
palestiniens, de 12 à 17 ans, (principalement des garçons) sont arrêtés,
interrogés et détenus en Cisjordanie par l’armée, la police et les agents de
sécurité de l’État hébreu."
" Israël est le seul pays du monde où des
mineurs sont jugés par des tribunaux militaires."
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